Le parti au pouvoir en République démocratique du Congo (RDC), le Parti populaire pour la réconciliation et la démocratie, a récemment annoncé que tout le monde était surpris: Joseph Kabila ne serait pas candidat à la présidentielle à l’issue des élections générales de décembre 2018.
Kabila est au pouvoir depuis 2001 et on s’attendait à ce qu’il se maintienne au-delà de ses limites constitutionnelles. Il a succédé à l’assassinat de son père Laurent Désiré Kabila qui avait renversé Mobutu Sese Seko en 1997.
Le pays est en plein essor depuis la fin du mois de juillet, date à laquelle la période de mise en candidature s’est ouverte, dans l’attente d’une décision ferme de la part de Kabila. Il a été empêché de se présenter pour un troisième mandat en vertu de la constitution du pays. Mais beaucoup craignaient de le faire de toute façon.
Les États-Unis ont salué la décision de Kabila de se retirer. Mais Nikki Haley, ambassadeur des États-Unis aux Nations Unies, a noté qu’il restait encore beaucoup à faire pour assurer une transition démocratique stable en RDC.
Néanmoins, l’annonce du parti signifie que pour la première fois dans l’histoire moderne congolaise, le pouvoir présidentiel sera transféré lors d’une élection. Au lieu de Kabila, le Parti populaire pour la réconciliation et la démocratie a présenté à l’ancien ministre de l’Intérieur, Emmanuel Ramazani Shadary, son candidat à la présidence.
De nombreux commentateurs ont décrit Shadary comme un hardliner de régime loyal. Il ne faut pas se faire d’illusions sur le fait que sa candidature signifie que la RDC doit faire face à un avenir démocratique meilleur. Il est très proche de Kabila (comme il l’était pour son père) et il est peu probable qu’il menace les prises du pouvoir. Kabila tirera probablement les ficelles en arrière-plan si Shadary est élu président en décembre.
Emmanuel Shadary
L’un des fondateurs du Parti populaire pour la réconciliation et la démocratie, la carrière administrative de Shadary a débuté en 1997 lorsque l’ancien président Laurent Désire Kabila l’a nommé vice-gouverneur de la province orientale du Maniema. Un an plus tard, il est devenu gouverneur. Maniema est un centre minier important dans l’est du Congo même s’il n’est pas le plus important, car il contient des ressources en diamants, en cuivre, en or et en cobalt.
Depuis 2012, Shadary est le président du groupe parlementaire du parti. Il exerce beaucoup de pouvoir à Kinshasa. Jusqu’en février de cette année, il a contribué à organiser la répression violente des manifestants dans la capitale.
Les États-Unis et l’UE ont imposé des sanctions à Shadary pour son implication dans des activités répressives. Cela signifie que même s’il est élu président, il ne sera pas autorisé à entrer en Amérique ou en Europe.
Malgré cela, l’UE et les États-Unis comptent parmi les plus gros donateurs de la RDC. Et leurs sanctions n’ont pas empêché la montée au pouvoir de Shadary.
Kabila toujours en jeu
La candidature de Shadary signifie que Kabila peut encore conserver beaucoup de pouvoir. Il y a des spéculations qu’il pourrait devenir premier ministre sous Shadary. Le président peut techniquement choisir le Premier ministre en vertu de la constitution congolaise, même si leur choix doit être ratifié par l’Assemblée nationale. Si Shadary était élu et que Kabila était choisi comme président, cette cohabitation augmenterait le pouvoir de Kabila en tant que Premier ministre. Les deux hommes seraient du même parti, le PPRD, et le président aurait donc du mal à exercer le pouvoir sans le soutien de Kabila.
Il y a aussi des spéculations selon lesquelles il pourrait se présenter aux prochaines élections présidentielles qui auront lieu cinq ans après l’élection du prochain président en 2023.
Ces deux développements – assumant le rôle de Premier ministre et sautant un tour à la présidence – seraient similaires à la manière dont le président russe Vladimir Poutine a conservé le pouvoir. Tout d’abord, il a permis à Dmitry Medvedev de devenir président de la Russie en 2008, pour ensuite assumer lui-même le rôle en 2012. Il a également été Premier ministre de Medvedev.
Shadary a du soutien dans son fief de Maniema. Mais il n’est pas certain que son appel dépasse la région. Il bénéficiera néanmoins du champ étroit et des ressources dont dispose le PPRD.
Il est presque certain que l’ancien gouverneur très populaire du Katanga, Moise Katumbi, ne pourra pas se présenter à la présidence. Katumbi, qui est en exil depuis deux ans, s’est vu refuser l’entrée alors qu’il tentait d’entrer en RDC à la frontière zambienne. Il y a eu des protestations généralisées contre le déménagement, principalement dans la ville de Lubumbashi, au sud-est du pays. Mais il n’a pas été autorisé à rentrer chez lui.
Shadary affrontera deux adversaires notables.
Les deux principaux challengers
Il devra d’abord rivaliser avec Félix Tshisekedi, le fils du leader de l’opposition de longue date, Etienne Tshisekedi, qui tente de sortir de l’ombre de son père pendant cette campagne. Tshisekedi court sur un ticket de l’Union pour la démocratie et le progrès social. Le parti est l’un des plus longs partis d’opposition de la RDC et Tshisekedi a eu beaucoup de temps pour faire campagne. Le dernier sondage a montré qu’il obtiendrait probablement 19% des voix. Mais sans Katumbi ou Kabila en course, ses chances de succès ont augmenté.
L’autre homme à surveiller est Jean-Pierre Bemba. Il est récemment rentré en RDC après avoir été libéré de prison à la suite de sa condamnation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité ayant été annulée en appel devant la Cour pénale internationale.
Bemba suit Tshisekedi dans les sondages, mais a eu beaucoup moins de temps pour organiser sa campagne. Il pourrait bien se révéler être une épine politique du côté de Shadary.
En fin de compte, la décision de Kabila de ne pas se présenter aux prochaines élections a ouvert le terrain dans une certaine mesure. L’attention se porte maintenant sur Shadary, et s’il permettra à ses adversaires de faire campagne dans les jours à venir. Comme Kabila a décidé qu’il ne courait pas, il y a de l’espoir pour une RD-Congo plus démocratique. Cependant, il est peu probable qu’il s’agisse d’une élection totalement libre et équitable et cela pourrait bien conduire Kabila à rester au pouvoir s’il n’est pas en fonction.
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