Des forces tapies dans l’ombre instrumentalisent Patrick Kafindo pour faire main basse sur une institution bancaire. Mais elles se heurtent à la rigueur de la loi et à la fermeté de la Banque centrale du Congo. Décryptage en 5 points.
1. Jacques Nkenda, Président du Conseil d’Administration autoproclamé !
Une actualité récente dans le landernau financier de Kinshasa a fait état de la démission du soi-disant Président du Conseil d’Administration d’Afriland First Bank CD. Nous avons mené nos investigations pour comprendre les tenants et aboutissants de cette actualité. Nous avons découvert dans la foulée que Jacques Nkenda a été désigné par ses pairs pour prendre la tête du Conseil d’administration de cette entreprise sous réserve de la non-objection de la Banque centrale du Congo (BCC).
Sans attendre l’avis de non-objection de la Banque Centrale du Congo, comme le veut l’instruction n°18 relative à la gouvernance des établissements bancaires, il s’est précipité pour s’auréoler la tête d’une couronne de PCA. Nous avons donc affaire un Président de Conseil d’Administration-Empereur autoproclamé ! Sinon, sur quoi se fonde-t-il pour revendiquer ce titre puisque le régulateur n’avait pas encore émis sa non-objection ?
2. Qui est Patrick Kafindo ?
L’opinion a également été prise à partie par des actes posés par Patrick Kafindo se revendiquant la qualité de Directeur Général d’Afriland First Bank CD. Une fois encore, comment aider l’opinion à éviter de prendre des vessies pour des lanternes ? Nos investigations démontrent que Patrick Kafindo, ex-Directeur Général Adjoint, avait été désigné par le Conseil d’Administration pour assurer l’intérim, ceci en attendant la nomination d’un Directeur Général. A ce titre, il était uniquement chargé d’expédier les affaires courantes, en stricte conformité avec les principes généraux de gestion de la banque. De ce fait, il n’était autorisé à prendre aucune décision sans avoir au préalable requis l’autorisation formelle ou l’avis du Conseil d’Administration qui lui a donné ce mandat temporaire. A-t-il respecté cette procédure ?
A l’évidence non! Il s’est plutôt engagé dans un parricide en coaction contre les propriétaires de la banque et le Conseil d’Administration de qui il tient son mandat, un mandat essentiellement révocable, allant jusqu’à contester les décisions de cette instance. Si ça n’est pas un braquage, ça y ressemble grandement.
3. L’agrément d’un dirigeant tombe automatiquement avec la notification de la fin de son mandat
L’opinion est également emprisonnée par un flou artistique savamment entretenu au sujet de l’agrément de la Banque Centrale. Il ne serait pas inutile d’apporter des précisions pour tirer tout cela au clair. C’est dans cette optique que nous avons lu in extenso l’Instruction n°18 sur la gouvernance des établissements bancaires qui indique la procédure à suivre pour obtenir un agrément d’administrateur ou de dirigeant exécutif. En l’occurrence, il revient au Conseil d’Administration et rien qu’au Conseil d’Administration de désigner son Directeur Général et de soumettre ensuite le dossier de ce dernier à la Banque Centrale pour agrément, dossier accompagné d’un procès-verbal de délibération de l’organe compétent, dument authentifié par le notaire.
Dès lors, force est de conclure que toute Banque Centrale n’agrée les dirigeants d’une institution financière que si cette dernière présente le procès-verbal du Conseil d’Administration qui les désigne.
Il en va de même lorsque le Conseil d’administration retire sa confiance à un Directeur Général ou tout autre dirigeant qu’il a préalablement désigné. Le Conseil a l’obligation d’en informer immédiatement la Banque centrale, ce qui fut fait et acté par la Banque centrale. Il faut souligner que la cessation des fonctions prend effet à partir de la date de notification de la décision au concerné.
L’article 20 de l’instruction n°18 émise par la Banque Centrale du Congo indique en effet que : « La cessation des fonctions des personnes visées par l’article 18 de la présente instruction doit être communiquée sans délai à la Banque centrale du Congo. L’établissement transmet le procès-verbal de la réunion de l’organe délibérant approuvant la cessation de fonction du responsable concerné ainsi que les raisons de cette cessation de fonction.»
Notons bien que l’instruction souligne que le changement doit être communiqué « sans délai ». N’est-ce pas pour indiquer l’importance de l’enjeu qui est la protection de l’épargne publique ? Qui d’autre que le Conseil d’Administration est mieux placé pour savoir qu’un mandataire est devenu un danger pour l’épargne publique ? Il est du devoir du Conseil d’Administration, au risque de poursuites judiciaires et pénales, d’alerter la BCC sur toute situation jugée compromettante pour le bien public.
Ceci participe de la mission de surveillance de la BCC qui n’est en aucun cas un organe de gestion de la banque, mais un régulateur et un organe de surveillance.
4. Retournement de veste de Jacques Nkenda
Un homme responsable et doté de ses facultés mentales peut-il assister à une réunion, exprimer son point de vue sur tous les sujets évoqués, signer le procès-verbal qui en découle, travailler durement pendant plusieurs jours à l’implémentation des résolutions issues de cette réunion, tout cela en toute âme et conscience, et puis devenir fossoyeur de ses propres actes et décisions ? Bien malin qui répondra à cette question. C’est en tout cas le miracle Jacques Nkenda devenu expert en retournement !
En d’autres termes, est-ce le même Jacques Nkenda, âgé de plus de 50 ans, qui a pris une part très active au processus de la réunion, de l’opérationnalisation des résolutions issues de la réunion qui a écrit la lettre de démission ?
Le doute plane et l’on peut valablement soupçonner que la lettre a été rédigée non pas par Jacques Nkenda, mais plutôt par la plume de forces obscures qui l’ont rallié à leur cause, mais à quel prix et dans quel dessein ?
Il convient de noter que ce volte-face surgit le temps d’un week-end alors que Jacques Nkenda signait encore des actes le vendredi avec les autres administrateurs en vue de la mise en application des décisions du Conseil d’Administration.
A-t-il subi des intimidations ou des pressions ? Son attitude est-elle guidée par la corruption ? Quelles peuvent être les motivations profondes d’un tel retournement de veste ?
5. Que cachent Patrick Kafindo et ses complices ?
Au regard de l’actualité, Patrick Kafindo et ses complices affichés ou tapis dans l’ombre multiplient des actes désespérés pour dissimuler la vérité : licenciement des employés, publication de communiqués pour revendiquer la qualité de signataires, multiplication des procès, intimidations, violation des décisions de la Banque centrale et du Conseil d’administration, etc.
Que cachent ces actes ? Est-ce le chant du cygne pour des hors-la-loi qui auraient peur que l’audit demandé par les administrateurs et validé par le régulateur révèle d’autres malversations telles que celles déjà dévoilées dans le scandale d’Amira Mining pendant la gestion des Sieurs Souaibou Abary et Patrick Kafindo ?
Rappelons que cet audit a été encouragé par le gouvernement de la Banque centrale en ces termes : « Je ne trouve aucun inconvénient à l’organisation d’un audit indépendant qui toutefois ne devra être diligenté que par le conseil d’administration et ce, suivant les prescrits de l’instruction n°21 en vigueur relative au gouvernement d’entreprise des Etablissements de crédit. »
Une source interne nous a confié que le Conseil d’administration reste confiant dans la détermination des autorités congolaises à protéger les institutions et l’épargne publique. La même source a indiqué que les administrateurs travaillent dans la sérénité. Ils auraient d’ailleurs communiqué au régulateur le nom d’un nouveau Président du Conseil d’administration et seraient dans l’attente de la notification du régulateur.
Euresham